CORPUS DOMINI

Nous pourrions résumer les lectures de la solennité d’aujourd’hui par le terme d’alliance. En Is 24,3-8, il est fait mémoire de l’alliance faite par Dieu après la libération d’Egypte. A travers un rite de fondation (le sacrifice de communion) Dieu et son peuple se lient d’une façon indissoluble. Le rite d’aspersion avec le sang atteste quant à lui que ce lien est vital (le sang représente la vie). Enfin, le fait que le peuple soit aspergé avec la moitié du sang signifie que Dieu non seulement accepte la vie de son peuple, mais offre aussi la sienne. La lettre aux Hébreux (9,11-15) nous présente à l’inverse le médiateur de la nouvelle alliance, Jésus, le grand prêtre. Il est en même temps la victime et le prêtre. Victime digne, ajoutons-le, parce qu’elle est sans péché; prêtre parfait, parce que dans l’Esprit, il s’est offert totalement. Sacrificie efficace parce qu’il nous a purifiés et rachetés. Dans l’Evangile de Marc (Mc 14,12-16. 22-26), qui nous ramène à la dernière cène, se répète la modalité par laquelle Jésus a inauguré la nouvelle et éternelle alliance : l’oblation de soi. Comme commentaire pictural de cette solennité, nous avons choisi une fresque de Raphaël, la Dispute du Sacrement, qui se trouve au Vatican dans la salle de la Signature.  Né à Urbino, Raphaël a appris les premiers rudiments de la peinture avec son père, Giuseppe Santi, peintre du cercle de Melozzo da Forlì. Initialement, il tient de Pierre de Pérouse et de Pierre della Francesca. Du premier, il a appris le langage classique, du second, la rationalité de l’espace. Plus tard, il héritera de Léonard le sentiment de la nature, tandis qu’il reçoit de Michel-Ange le sentiment moral. Tout cela trouvera en lui une synthèse parfaite et non plus accolée. Comme on le sait, il fut le maître incontestable du dessin, mais tout autant de la couleur. Certains de ses tableaux, par exemple La Velata (1516), sont des prodiges de chromatisme. Mais Raphaël fut aussi un exceptionnel luministe. Il suffit devant la Salle d’Eliodore, toujours au Vatican, où l’on relève au moins trois puits de lumière qui illumine la libération de Pierre : celle qui entoure l’ange libérateur, celle des torches des soldats et enfin le clair de lune. Avec la Disputa (1508-1509), débute la longue suite des fresques du peintre dans l’appartement de Giulio II. La première salle était à l’origine la bibliothèque privée du pape et les fresques rappellent aux volumes conservés sur les étagères le long des murs; ainsi la Théologie est symbolisée par une double exèdre de personnages dans les deux registres, l’un humain et l’autre divin. L’humain représente l’Eglise militante et le devin, l’Eglise triomphante. Au centre de la composition se trouve l’ostensoir avec l’Eucharistie. Relevons un seul détail. Le pied de l’ostensoir a une forme rhomboïdale comme l’auréole du Père éternel, pour signifier qu’à la base du Sacrement se trouve le Mystère sacré et parfait. Le pied du calice est au contraire accouplé à la Fontaine de la jeunesse (dont les eaux, selon une légende médiévale, irriguaient l’Eden). Tout, le ciel et la terre, convergent vers l’Eucharistie à laquelle seul convient le silence d’adoration.

Commentaire de d. Sandro Carotta, osb
Abbazia di Praglia (Italie)

Traduction de f. Christophe Vuillaume,
Monastère Masina Maria – Mahitsy (Madagascar)